Astralis
Espace Vuitton — Paris
2014
J'ai vu du feu, un arbre lumineux, et j'ai entendu un son, une sorte de vague inquiétante qui comme un ressac, donne forme a une pulsation. Une pulsation de lumière. Des arbres de glace, un fagot qui brule dans le froid. Quand je rêve d'une mer sombre, le ressac s'inverse, souvent c'est le signe de la mort et de la fin.
"Les incendies volontaires" s'est donnée par morceaux, plusieurs éléments, les cuillères en laiton avec les dents prises dans la cire, le rossignol du japon avec la tête tranchée, le livre enfumé qui révèle une phrase au hasard. Cette vision est arrivée par les détails, c'est souvent comme ça, les détails des formes, des matières, des placements d'éclats, des couleurs, et puis la forme se dessine, l'ensemble se construit.
J'ai d'abord vu l'arbre lumineux, et puis une dent sur un caillou, une pyrite plus précisément, et un petit oiseau en plomb s'est insère entre les deux, et la dent est devenu sa couronne, ma dent de sagesse devenue sa couronne. Un royaume de quiétude.
L'or était au cœur, chaud, irradiant. Tout s'est fabriqué à des moments différents, en morceau aussi.
Le dessin "les sourire d'éclats" est le cœur, la clé de cette installation, un visage de femme, le corps dans les éclats d'une eau apaisée, apaisante, un sourire au couteau, une auréole de lumière flottante sur la tête. Un autoportrait en quelque sorte, une figure a l'autre monde.
La femme a un cercle qui ferme son visage, passant par les yeux fermés aussi.
Le chemin de la pensée. Une boucle fermée, dans la lumière, faite de lumière.
Et puis le chien des enfers, ses têtes comme des boulets, le corps toujours dissocié de la raison.
Pas de lien possible. L'intuition séparée du possible. La pensée séparée de l'incarnation.
Le chien en céramique, est venu à la fin, comme l'entité corporelle qui manquait, noir de geais, de l'or et du gris, des têtes enchaînées.
Cette installation parle du passage ou plutôt de cette limite, de cette nappe de frontière entre tout, le corps, le temps, l'espace. Le début et la fin d'un déplacement qui se ferait sur place. Comme un rêve. Elle me fait me dire que peut être la vie est un rêve, les yeux ouverts.
Je ne travaille qu'en relation avec des visions ou des sensations que je pourrais voir. Je ne vois pas en entier, mais par détails, et ces détails grandissent, m'obsèdent, et souvent les formes s'engendrent sans que je puisse faire des liens, ou même comprendre pourquoi une matière apparait ou disparait. C'est quand tout est en place que les évidences s'éclairent. Ce serait comme apprendre a parler, a écrire, s'exercer en répétant les mêmes mots sans aucun destinataire, et qu'un jour, on croise par hasard celui a qui s'adressaient des mots prévus depuis des années.
Je ne vis que dans l'invisible, et c'est cette dimension de l'apparition qui encercle mon travail. Voir et rendre visible, ne peut se soustraire a l'invisible, a des dimensions et des mesures possibles. Compréhensibles mêmes.
Les astres sont partout, sous formes de constellations ou juste d'éclats. Mais ils me dirigent, rendent les limites bien plus enveloppantes que frontières. C'est la cartographie d'un territoire qui est le mien, réellement mien, je me repère aux éclats, dans la lumière je ne vois rien, je suis voyante dans le noir. Et je me repère à ces éclats. Et uniquement.
Je me repère aussi à l'instinct de cette perception, et je reste attentive à ce que je dois en faire.
Catalogue exposition Astralis : entretien Myriam Mechita